Ce samedi 2 mai en matinée, vous l’avez peut-être aperçu en levant les yeux dans un ciel fribourgeois bien chargé après plusieurs heures ininterrompues de pluie. Profitant, non pas d’une fenêtre, mais plutôt d’un « Velux météorologique » selon les dires de Laurent Tièche, l’un de ses aérostiers, il quitte le sol des Neigles direction Berne pour un vol inaugural face aux médias. Lui, c’est le ballon du Fribourg Freiburg Challenge, qui participe au mois d’août prochain à Pau dans les Pyrénées, à la Gordon Bennett Cup 2015, la Coupe du monde aéronautique de ballons à gaz.
Si vous ne vous y connaissez pas en ballon à gaz, il n’est pas trop tard pour vous y mettre, vous pourrez ainsi suivre attentivement l’équipage fribourgeois qui visera la victoire lors de cette compétition internationale. Et à la vue des moyens de communication utilisés par Fribourg Freiburg Challenge (site internet, Facebook et Twitter), il vous sera difficile d’y échapper à mesure que l’échéance approche.
Aux Neigles, une partie de l’équipe fribourgeoise, soutenue par 4 piliers de l’économie fribourgeoise – BCF, ECAB, Groupe E et TPF – était donc présente afin de présenter son ballon à gaz innovant aux médias. Plus étanche, plus léger, et moins sensible aux changements de températures qu’un ballon traditionnel, ce ballon est entièrement gonflé à l’hydrogène, ce qui le distingue d’une montgolfière, qui elle, fonctionne à l’air chauffé.
« Comme dans le roman de Jules Verne »
Passées les salutations d’usage, Laurent Sciboz et Nicolas Tièche, les deux aérostiers du Fribourg Freiburg Challenge, nous plongent dans leur univers quotidien, entre terre et ciel. Grâce à eux, Fribourg accueille pour la première fois un ballon à gaz, dont le carburant, l’hydrogène, est totalement neutre en terme d’impact sur l’environnement et 14 fois plus léger que l’air.
Le ballon fribourgeois utilise les plus récentes innovations afin de permettre à l’équipe d’être la plus performante possible le jour J. Un travail conséquent à été mené pour réduire le poids du ballon, dont l’assemblage de la toile a été réalisé par soudure haute fréquence, alors que les ballons dits « traditionnels », sont collés avec une large bande de recouvrement. L’utilisation de cette technique novatrice a permis de réduire considérablement le poids du ballon de plusieurs dizaines de kilos. La couleur de la toile n’est quant à elle, pas anodine, le blanc ayant été choisi pour l’isolement solaire optimal du ballon. Enfin, comme le précisera Dominique Gachaud, directeur général de Groupe E, le décor de ce ballon est « symbolique » à plus d’un titre, puisque l’on peut y découvrir les préalpes fribourgeoises et la croix suisse, ainsi que trois lignes parcourant la toile, représentant « la fierté, l’innovation, et la valeur de l’exploit ».
La nacelle utilisée ce samedi, faite d’osier, n’est pas celle qu’utiliseront Laurent Sciboz et Nicolas Tièche. Le jour du départ, les deux aérostiers grimperons à bord d’une nacelle ultra légère de 20 kg, entièrement faite d’un alliage d’aluminium, de carbone et de cordura. A bord, un véritable arsenal technologique accompagnera les deux hommes, au milieu duquel il faudra évoluer, s’asseoir, et même s’allonger ! (grâce à un trape, ils pourront se coucher et laisser leurs jambes dans le vide).
En écoutant les explications des aérostiers, l’auditoire est captivé. Cette course, avant même de démarrer, est déjà une course à l’innovation technologique. Ce qui n’empêche pas Laurent Sciboz de souligner que ce ballon fonctionne « comme dans le roman de Jules Verne ». A quelques détails près toutefois…
Laurent Tièche et Nicolas Sciboz, les deux aérostiers
« Les sacs de sables sont vidés à la cuillère, parfois au gramme près, tout en douceur »
Une fois l’aspect technologique expliqué, une question simple demeure, « comment ça marche un ballon à gaz ? »
Après l’épisode « innovation », place à l’aspect très « terre à terre » du fonctionnement du ballon. A côté de tant de technologie, l’un des « outils » les plus importants pour les aérostiers restent le bon vieux sable. Mais pas n’importe quel sable. Du sable fin et sec (sable rond et tamisé entre 0 et 4 mm), car en altitude, celui-ci peut vite se congeler et devenir un véritable bloc impossible à casser. « Les sacs de sables sont vidés à la cuillère, parfois au gramme près, tout en douceur », précise Nicolas Sciboz. Un gramme en moins, et le ballon monte de plusieurs mètres, pouvant ainsi totalement changer la direction du ballon à cause des vents différents selon l’altitude. Un vrai travail d’horloger pour l’équipage suisse. Gageons qu’ils soient à l’heure pour gagner la Gordon Bennett.
Pour y arriver, à l’heure, toute l’équipe du Fribourg Freiburg Challenge s’entraîne sur une place de décollage, à Domdidier. Ce site, unique en Suisse, a été choisi pour de multiples raisons : la proximité de Carbagas, qui fourni l’hydrogène au ballon, mais aussi l’éloignement des grands espaces aériens suisses, l’accueil favorable de la commune, et le support de la Fédération Suisse d’Aérostation. Le site, idéalement placé, est amené à prendre de l’ampleur, non seulement en Suisse, mais aussi dans toute l’Europe, les lieux de décollage pour ballons n’étant pas légion. D’ailleurs, Laurent Sciboz et Nicolas Tièche espèrent bien en faire une base pour la formation des futures générations d’aérostiers suisses. Si le coeur vous en dit…
Pour ce grand défi, une large équipe au sol travaille main dans la main avec Laurent Sciboz et Nicolas Tièche. L’infrastructure au sol sera composée de deux équipes, comme l’explique Jacques-Antoine Besnard, le directeur du PC course. « Une équipe technique sera sur place, à Pau, et l’autre à Fribourg, au siège de la BCF. » Cette dernière, composée de pointures de la météorologie (l’un d’entre eux, Wim de Troyer, travaille actuellement sur le tour du monde de Solar Impulse), aura pour mission de proposer la meilleure route possible aux aérostiers. Pour proposer cette « voie royale » dans le ciel, les météorologues et routeurs ne seront pas les seuls décisionnaires. Une autre donnée, primordiale pour la course et à laquelle on ne pense pas au premier abord, est à prendre en compte. Celle de l’espace aérien. Car comme un avion le fait, le ballon à gaz doit s’annoncer aux différents pays qu’il s’apprête à traverser. Ce travail de contrôle aérien revient à Greg Moegli, qui oeuvre également sur Solar Impulse. Avec une telle équipe au sol, Jacques-Antoine Besnard se veut relativement optimiste : « ça devrait le faire. »
La ville de Fribourg bénéficiera d’une visibilité importante grâce à cette Gordon Bennett 2015, comme le conseiller d’Etat Georges Godel ne manquera pas de le rappeler. « La compétition est une vitrine prestigieuse pour le canton de Fribourg. » Un important travail de communication est mené autour du Fribourg Freiburg Challenge et doit permettre de montrer « le dynamisme et l’ambition fribourgeoise » insiste Georges Godel. Pour cela, l’équipe de communication sera très active sur les réseaux sociaux, pour faire vivre et partager cette aventure auprès des internautes.
Les 4 Piliers de l’économie fribourgeoise, ainsi que les parrains du Fribourg Freiburg Challenge, entourent Laurent Tièche et Nicolas Sciboz.
« Chacun des participants peut partir dans une direction différente selon les vents et l’altitude où ils se trouvent »
La Coupe Aéronautique Gordon Bennett est l’événement le plus prestigieux dans l’histoire de l’aviation et de l’aérostation, et la règle est simple : parcourir la plus longue distance dans les airs depuis le site de décollage, en restant toutefois dans l’espace aérien européen.
Pour y parvenir, Laurent Tièche et Nicolas Sciboz ne pourront que monter ou descendre, en « jouant » de précision avec les grains de sable qu’ils auront à bord. Le travail stratégique sera lui effectué par le PC course, au sol, qui devra analyser rapidement chaque variation météorologique afin de proposer à l’équipage la meilleure solution pour saisir le courant qui permettra d’aller le plus loin possible. Et attention, car à quelques grammes près, le ballon peut partir dans des directions bien différentes. Impossible donc de savoir à l’avance vers quelle partie de l’Europe se dirigera le ballon. « Chacun des participants peut partir dans une direction différente selon les vents et l’altitude où ils se trouvent » explique Jacques-Antoine Besnard. L’un peut très bien partir vers l’Irlande, alors qu’un autre ira tout droit vers le Portugal. Et selon les ouvertures d’espaces aériens, un ballon peut très bien se retrouver bloqué à la frontière italienne si l’accès lui est refusé. »
Tout est possible donc. Et malgré la compétitivité des équipages, une part de chance, d’incertitude, voir d’intox, demeure dans le déroulement de cette compétition. « Nous sommes très amis avec les autres participants, car nous nous connaissons bien. Mais 48 heures avant le départ, nous n’écoutons plus personne, car il y peut y avoir beaucoup d’intox sur la meilleure direction à emprunter une fois dans les airs » souligne Laurent Tièche, avant de préciser que changer d’option de course en pleine nuit est parfois une stratégie très efficace pour ne pas être vu par les autres concurrents.
Il faudra donc faire preuve d’audace, d’opportunisme, mais aussi d’adresse dans le maniement des outils mis à disposition de toute l’équipe de ce Fribourg Freiburg Challenge. Souhaitons en tout cas que la tasse frappée de la croix suisse accidentellement cassée par l’un des aérostiers durant la conférence de presse ne soit qu’un simple signe de baptême réussi.
Pour suivre pas à pas le Fribourg Freiburg Challenge, rendez-vous sur le site internet www.frchallenge.ch, sur Facebook, et sur Twitter.
Guillaume Legueret
